XVIIe-XVIIIe siècles
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Sommaire: Vers une histoire romantique?: B. Baczko, «Entre Thermidor et Brumaire»; C. Müller, «Nostalgie politique, révolution et régime républicain à Genève à la fin de l’Ancien Régime (1782-1792)»; E. Tieffenbach, «De la “main invisible” à la “ruse de la Raison”: Traduction romantique d’une idée des Lumières»;
C. Flückiger, «L’investissement affectif de l’objet historique (Winckelmann, Quatremère de Quincy et Augustin Thierry)»; G. Bardazzi, «Sineddoche. Strutture del pensiero in Manzoni analista della rivoluzione». Les genres: continuité et transformations: J. Starobinski, «D’André Chénier à Baudelaire»; F. Jacob, «Lyre Chénier»;
L. Danzi, «Poesia didascalica e scientifica tra XVIII e XIX secolo»; M. A. Terzoli, «I testi di dedica tra secondo Settecento e primo Ottocento: metamorfosi di un genere»;
J. Talens, «Romantisme et crise du littéraire en Espagne: le cas d’Espronceda». Texte et image: E. Lavezzi, «Typologie et imaginaire du paysage dans les Eléments de Valenciennes, héritier de de Piles et Watelet»; L. Calè, «“Lapland Orgies: The Hell-Hounds round Sin”: réécriture et invention dans la galerie miltonienne de J. H. Füssli»; H. G. Von Arburg, «“Le Lavater portatif”: La physiognomonie entre Lumières et romantisme sous l’aspect de sa vulgarisation en France». Le regard sur l’autre:
B. Saba, «Invention et réinvention britannique du bonheur suisse: Descriptive Sketches (1793) de William Worsworth»; A. Staüble, «Luci e ombre dell’anglofilia nelle cultura italinana del tardo Settecento». Approches de la subjectivité: J. Rigoli, «L’apprentissage du singulier. Philippe Pinel entre «histoire» et “cas”»; V. Ehrich, «Amour vertueux, amour libertin, amour romantique (l’exemple allemand) Vers une archéologie psychohistorique de l’individualité moderne»; M. Winkler, «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant».
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L’état du trésor royal continuait à se détériorer et, chaque année, un nouveau déficit venait s’ajouter aux précédents. Calonne, contrôleur général des finances, pensait qu’un impôt foncier constituerait un palliatif efficace. Pour cautionner cette politique, le roi convoqua en 1787 les représentants du clergé et de la noblesse, les grands propriétaires fonciers, à une Assemblée des notables. En l’occurrence, les nobles lui refusèrent leur appui. Les parlements en firent autant. L’autorité du roi souffrit une défaite de taille.
La réforme de la situation des protestants s’avéra moins difficile. En novembre 1787, fortement influencé par des juristes, Louis XVI signa un décret qui conférait un état civil à ses sujets protestants. Après de vigoureux débats, l’édit devint loi le 29 janvier 1788 avec la sanction que lui accorda le Parlement de Paris.
On continuait de manifester beaucoup d’intérêt pour la nouvelle république des Etats-Unis d’Amérique, pour sa population et ses institutions. Mais, trop souvent, on offrait aux lecteurs une image flatteuse du pays, très différente de la réalité. Cependant, Brissot de Warville, avec une intelligence certaine de cette dernière, en rendit compte plus correctement.
Joseph II poursuivait ses réformes dans les différents territoires mis sous son autorité, notamment aux Pays-Bas autrichiens. Malheureusement, il voulut faire vite, sans égard pour les sentiments de ses sujets ni pour leur attachement à des int©rêts particuliers. L’opposition fut générale. Finalement, des émeutes éclatèrent à Bruxelles en mai 1787. L’entrée en vigueur des réformes fut immédiatement suspendue.
En France, le monde des lettres changeait rapidement. A mesure qu’emp?rait la situation, la nécessité de trouver des remèdes s’imposait. Les écrivains, comme Mirabeau, accordèrent une attention accrue aux affaires publiques dans l’espoir de les réformer et d’influencer l’opinion.
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Composée de quelque mille sept cents formes fixes – clichés idiomatiques, phraséologismes et proverbes – émanant d’une source inconnue, la Comédie des proverbes est une plaisanterie dramatique et littéraire. En dépit des contraintes de son lexique, elle présente une fable cohérente en trois actes tout en esquissant des caractères véritables et elle respecte les unités dites classiques à une époque où leur introduction était encore débattue. Quoique faite pour la scène, on ignore si elle a jamais été jouée. À peine remarquée par ses contemporains, elle a pourtant connu un succès commercial prolongé avec de nombreuses rééditions. Anonyme, bien que traditionnellement attribuée au guerrier littérateur que fut Adrian de Montluc, comte de Carmain, composée à une date indéterminée, sans doute vers 1630, la Comédie des proverbes se dérobe et apparaît comme un phénomène unique en son genre: résultant d’une expérience linguistique autant que théâtrale, elle nous dispense un jeu d’érudition et d’adresse de l’esprit, amusant et édifiant à la fois.
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L’opéra français de Quinault, Lully et leurs successeurs n’est pas un simple divertissement: comme pour toute forme d’art, les œuvres rassemblées dans le Recueil général des opéras expriment une certaine vision de l’homme dans ses rapports au monde et au divin. Ainsi, sur le plan moral, doivent-ils beaucoup à la tradition épicurienne. Cependant, cet épicurisme est modulé et il évolue, un moment tenté par un hédonisme facile, puis cherchant à réconcilier bonheur et vertu. La mise en question des dieux, déjà présente du temps de Lully, s’exacerbe par la suite tandis que l’homme se pose en victime. Toutefois, après 1713, le principe divin est progressivement réhabilité. Paradoxalement, il ressort de cette évolution qu’à l’Opéra, c’est sous le règne de Louis XIV que se développent les contestations les plus radicales, et que le Siècle des Lumières est aussi celui de la remise en ordre sur le plan moral et théologique.
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Le tome II des Spectacles à Paris pendant la Révolution couvre la période allant de la proclamation de la République (septembre 1792) à la fin de la Convention nationale (octobre 1795), incluant ainsi le temps de la Terreur (juin 1793-juillet 1794). Si l’idéologie des Jacobins s’est imposée au théâtre pour l’endoctrinement du peuple, la vie de tous les jours envahit la scène avec de nombreux «faits historiques», militaires, politiques ou tout simplement anecdotiques. Les Parisiens ont à leur disposition de nombreux spectacles et des divertissements divers pour se distraire aux heures tra-giques. Durant ces quatre années, 855 pièces sont créées à Paris, 185 pièces sont reprises des pièces créées en 1789-1792 (tome I), et 554 appartiennent au répertoire ancien d’avant 1789. Au total, 1594 pièces ont été jouées à Paris en 37 mois. Cet ouvrage est un répertoire analytique, chronologique et bibliographique; non une histoire du théâtre, mais un document, un outil de travail de base destiné aux chercheurs et aux historiens.
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Le siècle des Lumières marque un moment de mutation très important dans le domaine du livre et de l’imprimé: alors que, depuis Gutenberg, nous sommes dans la logique de la "librairie d’Ancien Régime", celle-ci est progressivement battue en brèche, tandis que le champ de la "publicité" commence à monter en puissance et que les acteurs du champ littéraire se déplacent également. Et, dès les années 1760-1770, nous entrons dans la logique de ce qui deviendra la "seconde révolution du livre" et qui s’appuiera aux deux processus fondamentaux de mutation que sont la révolution politique et la révolution industrielle.
Cette période cruciale a été de longue date scrutée par les historiens, historiens de la littérature et des "mentalités", mais aussi historiens du livre et bibliographes. Pourtant, on ne dispose pas encore d’un travail systématique sur ce que Henri-Jean Martin désignait comme le "petit monde du livre": non seulement les imprimeurs eux-mêmes, mais aussi les libraires et, d’une manière générale, tous les acteurs qui, régulièrement ou de manière plus épisodique, ont à faire avec l’imprimé (relieurs, petits marchands, revendeurs, colporteurs, etc.). C’est tout le sens de l’entreprise de la Prosopographie des gens du livre au XVIIIe siècle d’Ancien Régime, dans laquelle s’intègre le présent volume, consacré à la géographie du Nord de la France (actuels départements du Nord et du Pas-de-Calais).
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Le Temps de Montesquieu réunit une trentaine de communications originales présentées à l’Université de Genève en novembre 1998 au Colloque international célébrant le 250e anniversaire de l’édition chez l’imprimeur genevois Barrilot et fils de L’Esprit des lois. Traqué par les censeurs, ce best-seller des Lumières s’annonça aussitôt comme l’œuvre majeure de Montesquieu. Cette somme juridique et philosophique allait marquer le siècle, susciter un débat sur la légitimité des institutions politiques et devenir un classique du libéralisme dont la leçon reste d’actualité pour penser le droit ou l’Etat. Le Temps de Montesquieu replace l’histoire éditoriale de l’Esprit des lois dans son contexte genevois et européen, analyse la culture politique et juridique qui le nourrit, questionne la philosophie de l’histoire de son auteur qu’inquiète l’expérience de l’absolutisme de droit divin, en évoque la réception dans la République des lettres européenne. Donnant sens aux travaux et à l’héritage intellectuel du philosophe de La Brède, cet ouvrage collectif éclaire la modernité des Lumières, qu’à sa manière il a forgée.
Les éditeurs du Temps de Montesquieu, Michel Porret et Catherine Volpilhac-Auger, enseignent respectivement l’histoire moderne (Université de Genève) et la littérature française (Ecole Normale Supérieure de Lettres et Sciences humaines, Lyon). Auteurs de nombreuses publications portant sur les Lumières, ils sont notamment co-rédacteurs des Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau et de la Revue Montesquieu.
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La négociation prime la guerre, mais encore convient-il de la pratiquer avec adresse. A cet effet, François de Callières, spécialiste du bon usage du discours et diplomate sous Louis XIV, propose une synthèse théorique, toujours actuelle, destinée au perfectionnement dans la manière de négocier.
Pour s'insinuer dans le jeu diplomatique et bien d'autres contextes, le négociateur doit d'abord se préparer, cerner ses instructions, son mandat, et s'informer des intérêts de son partenaire futur, s'imprégner de sa culture et de ses passions, en somme, mobiliser toutes les ressources à disposition pour rentrer dans ses bonnes grâces.
Ensuite, le négociateur se met en action. Il constitue des alliances favorables et empêche toute union nuisible. Sans jamais perdre son sang-froid, il écoute avec attention, soigne la relation et choisit le bon moment pour parler juste. Il concilie les intérêts des protagonistes et imagine des expédients persuasifs, dans le souci incessant de sa réputation et du respect de la parole donnée.
Depuis 1716, ce texte a connu des succès de rééditions, en langue anglaise notamment. Il renaît enfin dans sa langue d'origine. A un moment où la négociation occupe une place centrale au sein des rapports humains, il en illumine les théories et pratiques contemporaines.
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Voici la diplomatie examinée selon un modèle inédit de l’histoire culturelle et sociale : ce sont les expériences individuelles et collectives, les connaissances européennes sur l'Autre, non-européen, et les techniques d'interaction – l’usage linguistique, le cérémonial d’audience, la pratique du tribut et du don entre autres – qui fournissent à l’analyse sa matière.
L'étude biographique, objet de la première partie, rend compte de la variété du contexte socioculturel dans lequel évolue un consul et chargé d'affaires français près une cour maghrébine, à Tunis en l'occurrence. Christian Windler peint ce notable, expatrié, membre d’un corps d’intermédiaires spécialisés en voie de constitution, alliant l’expérience qu’il a des relations diplomatiques à celle qu’il fait de l’interaction entre les pouvoirs locaux et les autorités en France.
Les trois parties suivantes saisissent l’évolution de la culture diplomatique, dans un milieu qui, durant le XVIIIe siècle, est pénétré par la propagation des contacts pacifiques entre chrétiens et musulmans. Issu des révolutions de la fin du siècle, un nouvel ordre international met en question le système diplomatique jusqu’alors pluraliste. C’est désormais la prépondérance des puissances européennes qui façonne, différemment, la coexistence du diplomate et de l’Autre dans le bassin méditerranéen.
Christian Windler est professeur au Séminaire d’Histoire de l’Université de Fribourg-en-Brisgau.
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En 1548, des voyageurs flamands visitant à Venise le Musée Grimani relèvent le nom du dieu Belenus. Cet " Apollon gaulois " ne tarde pas à éprouver la sagacité de quelques-uns des meilleurs spécialistes en matière de langues et d’antiquités : Joseph Scaliger, Camden, Saumaise, Vossius, Spon, comme Reinesius. Le 5 janvier 1647, la violente tempête qui fait refluer les eaux du rivage de Domburg, en Zélande, dégage plusieurs autels dédiés à Nehalennia, une divinité celtique inconnue. Celle-ci excite aussitôt les spéculations étymologiques et l’enquête fournit l’occasion de formuler, pour la première fois avec l’acuité méthodologique qui la caractérisera au XIXe siècle, la théorie de l’origine commune des langues européennes, de l’Atlantique à la mer Noire. Une troisième découverte archéologique, l’exhumation, le 16 mars 1711, du pilier des nautes parisiens consacre le panthéon gaulois en faisant surgir les figures de Cernunnos, de Hesus ainsi que du taureau à trois grues.
Aux origines de la linguistique moderne se dégagent ainsi une restitution de l’archive, un affranchissement de l’oralité par rapport à l’inscription, une prise de conscience de la force créatrice et sociale du langage qui anticipe les conceptions de Vico ou Herder. Simultanément, le travail archéologique évolue de la collection et de la citation littéraire à " l’invention de la préhistoire " et, partant, à la description d’une matière émancipée du texte. Aussi Daniel Droixhe s’emploie-t-il à saisir la mutation de deux disciplines, l’archéologie et la linguistique, confrontées à des écoles ou à des épisodes majeurs de l’historiographie européenne : la quête de l’origine grecque, l’exaltation des antiquités germaniques, la crise des amusements d’antiquaire, le recyclage – déiste ou chrétien – du druidisme et le triomphe " éclairé " de la celtomanie, entre primitivisme et genèse de l’anthropologie.